PRÉAMBULE

 

 

 

À deux cent douze années-lumière de La Terre tournaient une étoile d’un jaune trouble, 4269 de La Carène, et l’unique planète qui lui faisait escorte, Tschaï. L’astronef de reconnaissance Explorator IV, venu enquêter sur une mystérieuse émission de signaux radio, fut détruit dans ces parages. Le seul survivant de l’équipage, l’éclaireur Adam Reith, avait été sauvé, alors même qu’il était plus mort que vif, par Traz Onmale, le jeune chef de la tribu des Emblèmes.

D’emblée, Reith s’était fixé un objectif à atteindre de toute urgence : retourner sur la Terre pour y faire connaître l’existence de Tschaï et du curieux mélange de peuples qui l’habitaient. Il lui fallait pour cela trouver un astronef ; Traz et, plus tard, un Homme-Dirdir en fuite, Ankhe at afram Anacho, s’étaient joints à lui dans cette quête.

Il apprît que Tschaï avait jadis été le théâtre de guerres opposant trois races étrangères : les Dirdir, les Chasch et les Wankh. Un précaire état de neutralité armée avait fini par s’instaurer, chacune de ces races s’étant taillée sa propre zone d’influence et ayant abandonné les vastes étendues continentales aux nomades, aux fugitifs, aux bandits, à des seigneurs féodaux et à quelques communautés plus ou moins civilisées. Les aborigènes, les Phung et les Pnume, peuple secret qui se tenait à l’écart, occupaient les cavernes, les boyaux et les passages souterrains détendant sous les cités en ruine jalonnant la surface de Tschaï.

Les races non-tschaïennes avaient tantôt passé des contrats bilatéraux avec les hommes, tantôt réduit ceux-ci en esclavage et, au cours des millénaires, les autochtones avaient suivi une évolution qui les rapprochait de la race-hôte, de sorte qu’il y avait désormais, outre des populations d’aspect plus manifestement humain, les Hommes-Dirdir, les Hommes-Chasch, les Hommes-Wankh et les Pnumekin.

La présence d’hommes sur Tschaï avait dès l’abord intrigué Reith. Un soir, dans un relais de caravanes de la Steppe Morte, Anacho, l’Homme-Dirdir, s’expliqua sur ce point :

« Avant l’arrivée des Chasch, les Pnume dominaient partout. Ils habitaient des villages constitués par de petits dômes et dont toutes les traces ont disparu. À présent, ils se réfugient dans les cavernes et les galeries des vieilles cités et leur vie est un mystère. Les Dirdir eux-mêmes considèrent que maltraiter un Pnume porte malheur. »

— « Les Chasch sont donc venus sur Tschaï avant les Dirdir ? » s’enquit Reith.

— « C’est un fait bien connu », répondit Anacho, étonné par tant d’ignorance. « Les premiers envahisseurs ont été les Vieux Chasch. L’événement remonte à cent mille ans. Dix mille ans plus tard, les Chasch Bleus sont apparus, venant d’une planète antérieurement colonisée par les Chasch coureurs d’espace. Les deux races se sont combattues, chacune voulant s’assurer la domination de Tschaï, et ont fait appel aux Chasch Verts, qui leur servaient de troupes de choc. Les Dirdir ont surgi il y a soixante mille ans. Les Chasch subirent de lourdes pertes jusqu’au moment où, du fait de leur afflux considérable, les Dirdir devinrent vulnérables. Alors, un état d’équilibre s’établit. Les deux groupes sont toujours ennemis et il y a peu d’échanges entre eux.

» Dans un passé relativement proche, quelque dix mille ans, une guerre spatiale éclata entre les Dirdir et les Wankh. Elle gagna Tschaï lorsque ces derniers édifièrent des forteresses dans la province de Rakh et dans le Kachan méridional. Mais maintenant, il n’y a plus guère que des escarmouches et des embuscades. Chacune des trois races redoute les deux autres et attend l’heure de pouvoir annihiler ses rivaux. Les Pnume sont neutres et se tiennent à l’écart des hostilités, ce qui ne les empêche pas de suivre la situation avec intérêt et de prendre des notes pour rédiger leur histoire. »

— « Et les hommes ? » demanda Reith avec circonspection. « Quand sont-ils venus sur Tschaï ? »

— « Les hommes », enchaîna l’Homme-Dirdir de son ton le plus didactique, « les hommes sont nés sur Sibol et sont arrivés sur Tschaï avec les Dirdir. Ils sont aussi malléables que la cire et certains d’entre eux se métamorphosèrent en hommes des marais, puis, il y a vingt mille ans, en cette espèce d’individu. » Il désigna Traz, qui lui décocha un regard fulminant. « D’autres, réduits en esclavage, donnèrent naissance aux Hommes-Chasch, aux Pnumekin et même aux Hommes-Wankh. Il y a des douzaines d’hybrides et de races baroques. Même chez les Dirdir, il existe des variantes. Les Immaculés sont des Dirdir presque à l’état pur, mais on trouve aussi des êtres présentant moins de raffinement. C’est d’ailleurs la source de ma propre rébellion : j’ai réclamé des prérogatives qui m’ont été refusées mais dont je me suis néanmoins prévalu… »

Anacho poursuivit en relatant ses déboires. Mais Reith ne lui prêtait plus attention. L’arrivée des hommes sur Tschaï n’était plus un mystère. Les Dirdir connaissaient la navigation spatiale depuis plus de soixante-dix mille ans et, au cours de ces millénaires, ils s’étaient rendus sur la Terre. Au moins à deux reprises. La première fois, ils avaient capturé une tribu de Protomongoloïdes – dont étaient visiblement issus les hommes des marais auxquels Anacho avait fait allusion. La seconde fois, ils avaient ramené un échantillonnage de Protocaucasoïdes. Soumis aux conditions propres à la planète Tschaï, les deux groupes avaient muté, s’étaient spécialisés, avaient remuté et s’étaient respécialisés pour aboutir à la stupéfiante diversité des types humains qui cohabitaient sur ce monde.

Après avoir vainement tenté de s’emparer d’un astronef Wankh, Reith et ses compagnons se réfugièrent à Smargash, localité des hauts plateaux lokhars, au pays de Kachan.

Le Dirdir
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